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dans l'armoire de l'arrière cuisine
13 mai 2014

le vent vient toujours de la mer

C’est la petite barrière bleue qui m’a donné envie de dire oui. Elle était toute abimée, comme la poignée de la porte d’entrée et la rampe d’escalier qui menait au premier étage de cette petite maison décrépie. J’avais vu le panneau « à louer » en arrivant dans le village et ce que j’en avais vu ne m’avait pas quitté pendant tout le temps de l’entretien avec le député. Quand j’étais sortie du bureau, après qu’il m’ait demandé quand je pouvais commencer, j’ai appelé l’agence en signifiant à la dame que mon train repartait en début d’après-midi. Ce n’était pas tout à fait vrai, mais il fallait que je vois ce que j’imaginais. En passant devant au petit matin, j’avais tout de suite aimé  son air oublié et je me suis dit que nous serions bien toutes les deux ici. La dame de l’agence m’a demandé le temps d’arriver. J’ai poussé le portail et je l’ai attendue dans le jardin. J’étais chez moi. Je me doutais que les hivers pourraient être humides et j’ai senti le bout de mes doigts se glacer quand j’ai imaginé les soirs de grand vent. Mais la dame m’a dit que les locataires précédents avaient fait ramoner  la cheminée. Elle portait un chignon serré comme j’aurais aimé savoir le tourner. Je n’ai jamais su me coiffer. Ses ongles étaient faits et pendant qu’elle me parlait du chauffe-eau, je regardais son bracelet qui me rappelait ceux de ma mère. Il faisait du bruit à chaque fois que sa main bougeait. J’ai vu ses ongles peints et j’ai imaginé sa salle de bain. Tout devait être parfait. Pas la moindre trace de salpêtre, pas le plus petit morceau de coton souillé. D’ailleurs chez elle, il ne devait jamais y avoir de coton souillé. Elle faisait partie de ces gens parfaits  qui sentent bon avant même de se lever, ceux qui préparent leur tenue la veille et savent ranger leurs vêtements en pile qui ne tombent jamais. Je crois qu’ensuite, elle m’a parlé des eaux usées, du puits des voisins, de la douche qu’il ne fallait pas faire couler trop longtemps. J’aurais voulu qu’elle s’arrête de parler, j’aurais voulu qu’elle écoute avec moi le bruit des vagues qui se fracassaient contre la digue. Elle m’a dit que ce n’était peut-être pas le bon jour pour visiter. Je lui ai dit que j’avais une petite fille qui aimerait écouter la mer avec moi puis je lui ai demandé quand nous pourrions venir nous installer. Elle devait repartir vite et je lui ai demandé si je pouvais rester, de toute façon il n’y avait rien à voler ici. J’ai promis de lui ramener les clés à la fin de sa pause déjeuner puis je l’ai raccompagnée jusqu’à la petite barrière bleue. Le vent s’était levé et la mer commençait à se retirer. J’avais oublié le cri des mouettes. Je l’ai noté dans mes souvenirs de la journée à ne pas oublier. Je raconterais tout à Marguerite dès que je la retrouverais, ou plutôt dès que je me retrouverai seule avec elle. J’étais pressée de lui dresser le tableau de notre vie ici. Et pourtant je n’en connaissais rien, rien que l’essentiel. On venait de me proposer un travail que je n’avais jamais exercé et je venais de trouver la maison qui allait abriter notre vie.   Peut-être qu’avant de reprendre mon train, j’aurais le temps de passer au syndicat d’initiative pour demander la fiche des horaires de marée.  J’ai eu froid et je suis rentrée pour m’assoir sur le parquet. C’était un parquet qui craque et qui blesse les pieds. Je me suis promis d’acheter deux paires de  chaussons.  J’ai posé ma tête contre le marbre de la cheminée. J’étais sûre que Marguerite aimerait cette maison. Je pourrais installer son lit dans la petite chambre mansardée du premier. Je venais de décider de me garder celle avec le grand balcon. Les deux pièces étant mitoyennes, elle pourrait continuer de frapper trois coups contre le mur de séparation. Je frapperais trois coups à mon tour et j’attendrais alors qu’elle soit endormie pour redescendre profiter de ma liberté. Marguerite s’est toujours très vite endormie. J’espérais que ce soir, elle m’attendrait. Dehors il s’était mis à pleuvoir et je me suis couchée contre le vieux parquet. Je me suis aperçue que j’avais très faim et je ne savais plus très bien combien de temps il restait avant le départ de mon train. Je me suis endormie. C’est le froid qui m’a réveillée et puis le téléphone a très vite sonné.

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